Une bouffée d'oxygène

Une bouffée d'oxygène

L'école façonnera-t-elle les moeurs futures ?

Si certains d’entre vous suivent de près l’actualité, ils ont probablement eu écho du rapport relatif à la « mission de réflexion sur l’enseignement de la morale laïque, de l’école primaire au lycée ». Vaste programme, me direz-vous, lancé par le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon. Pour ma part, je suis surprise qu’un tel énoncé puisse être relayé par les médias sans que l’on s’appesantisse plus sur l’intitulé. Il me semble que l’on part d’un présupposé qui est loin d’être évident : l’apprentissage de la morale incombe-t-il au cadre scolaire ? N’est-ce pas dangereux de proclamer une morale juste, celle édictée par un système scolaire, lui même orchestré par une structure gouvernementale ? Suis-je la seule à penser que la question mérite d’être soulevée ?   

 



 

On part « en mission »
 
Le 12 octobre 2012, Vincent Peillon a réuni trois personnes pour mener « une mission de réflexion sur l’enseignement de la morale laïque de l’école primaire au lycée ». Les personnes concernées sont : Alain Bergounioux, inspecteur général de l'Éducation nationale, professeur associé à l'Institut d'études politiques de Paris, Laurence Loeffel, professeure des universités en Sciences de l'éducation à l'Université Charles de Gaulle-Lille 3 et Rémy Schwartz, conseiller d’État et professeur associé à l’Université de Paris I.
 
Le 22 avril dernier, lors d’une conférence de presse, Mr Peillon a exposé les principales orientations retenues à la lumière des conclusions de ce rapport. Il est notamment revenu sur la définition de la morale laïque comme une « morale non confessionnelle », qui ne condamne pas les dogmes religieux mais leur permet de cohabiter. Voici les grandes lignes de cet « enseignement moral et civique » : horaires dédiés, programmes spécifiques, professeurs formés et « une évaluation ». Le dernier terme est justifié par les différentes dimensions attribuées à cette nouvelle matière scolaire, à savoir psychoaffective, comportementale et de connaissances. A l’instar des autres connaissances inculquées, sera donc évaluée la maîtrise de la morale, du primaire au lycée. Une épreuve au brevet des collèges ainsi qu’un contrôle continu en vue du baccalauréat ont ainsi été suggérés. 
 
Un discours éloquent mais peu explicite
 
Mais, si elles "sonnent bien", certaines paroles du ministre me semblent ambiguës car lourdes de sens : 
« Refondre l’école de la République, mais aussi refondre la République par l’école ». 
Une autre citation : 
« Nous transformons l’école (comme promis lors de la campagne électorale). Nous devons transformer l’école ». 
Certes, mais la transformer vers quoi ? 
 
Bien que j’avoue une certaine nostalgie pour cette matière chère à mes années d’enseignement supérieur, loin de moi l’idée de m’engager dans des réflexions philosophiques pointues. Le fait est que, si j’admets la nécessité d’inculquer certaines valeurs à l’école, il me semble important de bien définir l’orientation à donner à ce type d’enseignement. 
 
La motivation première est certes de répondre au contexte actuel, empreint d’une sorte de régression dans les mœurs. L’opinion publique reste partagée sur de nombreux débats que l’on pensait, sinon résolus, du moins enrichis : port de signes religieux dans l’espace public, mariage pour tous… Face à ces stigmatismes que l’on croyait enterrés, l’inquiétude gagne. 
 
Pourquoi cette recrudescence de partis pris ? La question est vaste et me dépasse largement. Comment en sommes-nous arrivés là, je ne saurais le dire. Je doute qu’il y ait les bons d’un côté, et les égarés de l’autre. Certes la volonté du gouvernement de prendre le problème à la source, en impliquant ceux qui forgeront l’opinion publique future, est honorable, me semble-t-il. 
 
A trop jouer sur les mots, on joue avec le feu 
 
Encore une fois, je ne soutiens, ni ne condamne l’initiative. Reste que le terme « d’enseignement moral » me met mal à l’aise, sans que je puisse en discerner les raison exactes. Cette notion me semble très dangereuse, appliquée à des esprits en formation. Qui est en mesure de définir la morale parfaite, idéale que l’on doit transmettre ? Qui en seront les garants ?
 
Je suis peut-être trop attachée au libre-arbitre, qui, j’en conviens, n’a pas toujours fait ses preuves. Mais je suis inquiète à l’idée que l’ensemble de la société assiste, et le terme est plus qu’approprié, à un programme d’enseignement qu’elle n’a pas validé via une consultation publique notamment. Il est bien question ici d’enseigner des mœurs, validées par une structure dirigeante. Et l’histoire a prouvé à maintes reprises ce que cette association d’idées peut avoir de dangereux.
 
Cécile Cassier


25/04/2013
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