Une bouffée d'oxygène

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Pêche : la technique du finning définitivement interdite en Europe

La désormais tristement célèbre technique du finning consiste à découper les ailerons sur des requins vivants avant de les rejeter, agonisants, à la mer. Cette chasse aux ailerons répond à une forte demande asiatique. Les ailerons des squales représentent en effet les principaux ingrédients d’une soupe chinoise traditionnelle, considérée comme un mets de luxe. Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), des millions de requins sont victimes chaque année de cette pratique.  

  • Mais si la tradition asiatique est à l’origine de la mise à prix du requin et de ses attributs, d’autres ont rapidement su tirer parti de cette spécialité culinaire. Ainsi, comme le dénonce l’ONG Shark Alliance, l’Union européenne, et plus particulièrement l’Espagne, compte comme l’un des plus grands fournisseurs mondiaux d’ailerons de requins en Asie. Elle a pu s’octroyer ce titre grâce à une réglementation européenne datant de 2003, trop laxiste pour combattre la pratique du finning. Chaque année, les navires de l’UE débarquent ainsi plus de 100 000 tonnes de requins et raies, essentiellement des requins peau bleue. Selon l’ONG, l’Espagne est à l’origine de plus de la moitié de ces débarquements et des trois quarts des captures de requins peau bleue. 

  • Face à cette mauvaise publicité, relayée par nombre d’associations, l’UE a décidé de réagir. Le 21 novembre 2011, la Commission européenne présentait une proposition en faveur de l’interdiction du finning. D’après le texte proposé, tous les requins capturés par des navires de l’UE, ou dans les eaux de l’UE, doivent être débarqués avec les nageoires attachées au corps. Une telle mesure mettrait fin aux permis spéciaux accordés par certains Etats membres, grâce auxquels les pêcheurs peuvent débarquer les nageoires et les carcasses dans des ports distincts. Si la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne n’en sont pas exemptes, l’Espagne est le pays à avoir délivré le plus de permis de ce type. A l’heure actuelle, seuls l’Espagne et le Portugal délivrent encore ces permis au sein de l’UE. 

  • Mais, une fois présentée, la proposition de la Commission devait encore obtenir l’aval du Parlement européen et du Conseil des ministres. Au printemps 2012, le Conseil des ministres, de même que la commission Environnement du Parlement ont fait un accueil favorable à la proposition de la commission publiée en novembre 2011. La fin novembre 2012 a marqué un nouveau rebondissement, avec le vote de 566 députés européens en faveur d’un rapport soutenant la proposition de la Commission. Si le Parlement européen avait demandé dès 2006 une amélioration des conditions d’interdiction du finning, il a toutefois été le siège d’âpres négociations pour parvenir à ce résultat, freiné par plusieurs députés européens attachés au maintien du règlement lacunaire.  
 
  • Saluant cette avancée, Shark Alliance a tenu à remercier la Commission européenne ainsi que les 25 ministres européens de la Pêche, les centaines de députés européens et les nombreux citoyens qui ont contribué à dénoncer la pratique du finning. Si elle s’est également félicitée de cette victoire, la Fondation 30 Millions d’Amis rappelle que la guerre est loin d’être terminée. De fait, l’interdiction du finning ne s’applique que dans les eaux européennes. Or, 85 pays traquent le requin à travers le monde. L’Inde et l’Indonésie capturent à elles seules deux fois plus de requins que les pêcheries européennes.  
  • Fondateur de la plate-forme multimédia « Planète sacrée », et auteur du livre « Ces animaux qu’on assassine », Louis Bériot voit plus loin. Pour lui, la lutte doit également être menée en aval, auprès des consommateurs qui créent la demande. Selon lui, « La consommation des requins est progressivement devenue un signe extérieur de richesse ». Au sein de nos frontières, elle devient un caprice d’exotisme. De fait, de nombreux restaurants parisiens proposent des ailerons de requins au menu. Boycotter ce qui est devenu « un ingrédient » de son assiette est un moyen sûr de réduire la pression en amont sur les populations de requins. A l’heure actuelle, on estime que 180 espèces de squales sont menacées.
Cécile Cassier


15/12/2012
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