Une bouffée d'oxygène

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Préservation du milieu marin


La beauté a un prix : elle veut la peau du requin

 
 
 
 
Décidément, l’anatomie du requin le conduit de plus en plus sûrement à sa perte. Comme évoqué récemment sur ce blog, les squales sont la cible de pêcheurs avides de tirer profit de leurs ailerons, ingrédient clé d’une luxueuse soupe chinoise. Mais un autre secteur fait concurrence à l’exploitation des requins. Selon une récente étude de l’association BLOOM (1), l’industrie cosmétique entend également faire ses choux gras de cet animal aujourd’hui réduit à de la matière première.  
 
  • Entrant dans la composition de nombreux produits d’hygiène et de beauté (crèmes hydratantes, anti-rides, etc.), le squalane est un émollient (2) très prisé par l’industrie cosmétique, notamment pour ses propriétés hydratantes. Forme non purifiée du squalane, le squalène est présent dans divers plantes et fruits, dont les olives. Mais on le rencontre également dans la peau et le foie de certains poissons et mammifères. Malheureusement pour lui, le requin s’avère être un candidat de premier ordre. C’est en effet dans l’huile de foie de requin profond que l’on trouve cette substance dans les plus grandes proportions (40 à 80 %). 
  • Selon l’association BLOOM, environ 90 % de la production d’huile de foie de requin est destinée à la production de squalane à visée cosmétique. Cela équivaut à plus de 2,7 millions de requins capturés chaque année. En 2012, la production mondiale d’huile de foie de requin a représenté entre 2000 et 2200 tonnes. Le prix de la tonne d’huile de foie de requin oscille entre 12 000 et 15 000 dollars, en fonction de son pourcentage en squalène. 
  • C’est dans les années 1960 que le Japon a initié la production industrielle de squalène de requin à destination du secteur cosmétique. Assurant actuellement 40 % de la demande totale, il est considéré comme “le premier marché mondial pour le squalane”. L’entreprise japonaise Kishimoto Special Liver Oils est d’ailleurs le leader mondial de la production de squalène et squalane issus de requins. Elle est également le premier acheteur mondial d’huile brute. 
  • Pas en reste, les Espagnols et les Portugais ont fourni près des deux tiers des besoins mondiaux d’huile de foie de requin jusqu’au milieu des années 1990. Les flottes de pêche françaises et espagnoles fournissent encore un volume conséquent de foies de requins profonds. En témoigne l’installation de “ comptoirs de collecte des foies ” à l’initiative d’un important producteur de squalane dans les ports de Boulogne-sur-Mer et de Lorient. 
  • Depuis 2010, l’Europe interdit la capture ciblée de requins profonds, le débarquement des prises accessoires étant toléré jusqu’en 2011. Mais les dommages sont déjà visibles. Les populations de requins profonds accusent déjà un déclin “ vertigineux ” dans l’Atlantique Nord-Est. Au cours des dernières années, certaines espèces ont ainsi connu une chute supérieure à 95 %. Face à l’épuisement des stocks, les pêcheries européennes se rabattent sur les eaux tropicales et semi-tropicales. En l’absence de mesures, celles-ci devraient connaître un sort similaire, d’autant plus qu’elles sont soumises à des réglementations moins contraignantes.     
  • Actuellement, le squalane utilisé dans les produits cosmétiques est en grande partie issu du requin, bien que l’Europe semble amorcer un nouveau tournant. Ainsi, la part de squalane végétal est désormais majoritaire au sein de la production européenne de squalane, alors qu’elle ne représentait que 30 % - 40 % en 2010. 
  • Mais, alors que les secteurs des compléments alimentaires et pharmaceutique convoitent ce précieux squalène, l’heure reste à l’inquiétude. De quels moyens dispose-t-on pour enrayer la machine ? C’est là où le bâts blesse. La législation européenne n’imposant pas la mention de l’origine du squalane sur l’étiquetage, les consommateurs restent dans le brouillard quant à l’origine du composant. En outre, certains producteurs spécialisés ont coutume de vendre du squalane de requin en le présentant comme du squalane végétal.
  • Chair dégustée, ailerons mitonnés en soupe, cartilage transformé en compléments alimentaires, dents ornant des bijoux, peau reconvertie en sacs à main, il ne fait décidément pas bon d’être dans la peau d’un squale. Et la question se pose de distinguer le prédateur de la proie. 

1- Association à but non lucratif créée en 2005, BLOOM milite pour la préservation des milieux marins, notamment via des actions de sensibilisation, la réalisation d’études indépendantes, la participation à des consultations publiques etc. L'étude s'intitule : "Le prix hideux de la beauté".  
2- Un émollient a vocation à assouplir et adoucir la peau. 

Cécile Cassier

23/12/2012
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Pêche : la technique du finning définitivement interdite en Europe

La désormais tristement célèbre technique du finning consiste à découper les ailerons sur des requins vivants avant de les rejeter, agonisants, à la mer. Cette chasse aux ailerons répond à une forte demande asiatique. Les ailerons des squales représentent en effet les principaux ingrédients d’une soupe chinoise traditionnelle, considérée comme un mets de luxe. Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), des millions de requins sont victimes chaque année de cette pratique.  

  • Mais si la tradition asiatique est à l’origine de la mise à prix du requin et de ses attributs, d’autres ont rapidement su tirer parti de cette spécialité culinaire. Ainsi, comme le dénonce l’ONG Shark Alliance, l’Union européenne, et plus particulièrement l’Espagne, compte comme l’un des plus grands fournisseurs mondiaux d’ailerons de requins en Asie. Elle a pu s’octroyer ce titre grâce à une réglementation européenne datant de 2003, trop laxiste pour combattre la pratique du finning. Chaque année, les navires de l’UE débarquent ainsi plus de 100 000 tonnes de requins et raies, essentiellement des requins peau bleue. Selon l’ONG, l’Espagne est à l’origine de plus de la moitié de ces débarquements et des trois quarts des captures de requins peau bleue. 

  • Face à cette mauvaise publicité, relayée par nombre d’associations, l’UE a décidé de réagir. Le 21 novembre 2011, la Commission européenne présentait une proposition en faveur de l’interdiction du finning. D’après le texte proposé, tous les requins capturés par des navires de l’UE, ou dans les eaux de l’UE, doivent être débarqués avec les nageoires attachées au corps. Une telle mesure mettrait fin aux permis spéciaux accordés par certains Etats membres, grâce auxquels les pêcheurs peuvent débarquer les nageoires et les carcasses dans des ports distincts. Si la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne n’en sont pas exemptes, l’Espagne est le pays à avoir délivré le plus de permis de ce type. A l’heure actuelle, seuls l’Espagne et le Portugal délivrent encore ces permis au sein de l’UE. 

  • Mais, une fois présentée, la proposition de la Commission devait encore obtenir l’aval du Parlement européen et du Conseil des ministres. Au printemps 2012, le Conseil des ministres, de même que la commission Environnement du Parlement ont fait un accueil favorable à la proposition de la commission publiée en novembre 2011. La fin novembre 2012 a marqué un nouveau rebondissement, avec le vote de 566 députés européens en faveur d’un rapport soutenant la proposition de la Commission. Si le Parlement européen avait demandé dès 2006 une amélioration des conditions d’interdiction du finning, il a toutefois été le siège d’âpres négociations pour parvenir à ce résultat, freiné par plusieurs députés européens attachés au maintien du règlement lacunaire.  
 
  • Saluant cette avancée, Shark Alliance a tenu à remercier la Commission européenne ainsi que les 25 ministres européens de la Pêche, les centaines de députés européens et les nombreux citoyens qui ont contribué à dénoncer la pratique du finning. Si elle s’est également félicitée de cette victoire, la Fondation 30 Millions d’Amis rappelle que la guerre est loin d’être terminée. De fait, l’interdiction du finning ne s’applique que dans les eaux européennes. Or, 85 pays traquent le requin à travers le monde. L’Inde et l’Indonésie capturent à elles seules deux fois plus de requins que les pêcheries européennes.  
  • Fondateur de la plate-forme multimédia « Planète sacrée », et auteur du livre « Ces animaux qu’on assassine », Louis Bériot voit plus loin. Pour lui, la lutte doit également être menée en aval, auprès des consommateurs qui créent la demande. Selon lui, « La consommation des requins est progressivement devenue un signe extérieur de richesse ». Au sein de nos frontières, elle devient un caprice d’exotisme. De fait, de nombreux restaurants parisiens proposent des ailerons de requins au menu. Boycotter ce qui est devenu « un ingrédient » de son assiette est un moyen sûr de réduire la pression en amont sur les populations de requins. A l’heure actuelle, on estime que 180 espèces de squales sont menacées.
Cécile Cassier

15/12/2012
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