Une bouffée d'oxygène

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L’assistanat sexuel pour personnes handicapées reste tabou en France

La sortie au cinéma, le 6 mars dernier, du film The Sessions a relancé le débat autour d’une question qui porte encore à polémique en France, celle de l’assistance sexuelle aux personnes en situation de handicap. 
Le film se base sur l’histoire vraie d’un poète et journaliste américain, Mark O’Brien. Ce dernier s’est retrouvé paralysé et prisonnier d’un « poumon d’acier » (1), après avoir contracté la poliomyélite (2) en 1955. A l’âge de 38 ans, il décide de faire appel à une assistante sexuelle pour perdre sa virginité. 

Aux Etats-Unis ainsi que dans plusieurs Etats européens (Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Danemark), la profession d’assistant(e) sexuel(le) (« sexual surrogate » aux USA) est reconnue, au même titre que n’importe quel thérapeute. Après avoir suivi une formation spécifique, ils aident « les personnes lourdement handicapées qui n’ont pas accès à leur corps ou très difficilement, à découvrir ou à redécouvrir leur corps comme source de plaisir ». De fait, si cette pratique invite au débat, le bienfait apporté à ces personnes est bien réel. L’assistanat sexuel dépasse largement la simple pratique sexuelle pour ces personnes souvent emmurées dans un corps qu’elles n’osent montrer, par honte, crainte du rejet ou dégoût de soi-même. 

Posons la question qui brûle toutes les lèvres : quelle est la différence entre prostitution et assistanat sexuel ? Dans le film, dont je n’ai eu que des échos à défaut de l’avoir vu, il est dit, avec justesse, qu’une prostituée fait tout pour garder son client. L’objectif d’une ou d’un assistant(e) sexuel(lle) est à l’exact opposé. A l’instar de tout traitement thérapeutique, le « suivi » qu’implique l’assistanat sexuel est temporaire et les séances rémunérées. Le but est d’aider les personnes handicapées à appréhender leur corps et une nouvelle sexualité, afin de pouvoir mener une vie sentimentale et sexuelle normale. 

En France, le chemin s’annonce encore long pour lever ce tabou. Dans un avis rendu public le 11 mars dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé contre l’assistance sexuelle pour les personnes en situation de handicap. Bien qu’il reconnaisse que « L’épanouissement sexuel est une liberté dont aucun être humain adulte ne devrait se trouver exclu », il estime que : « Il semble difficile d’admettre que l’aide sexuelle relève d’un droit-créance assuré comme une obligation de la part de la société et qu’elle dépende d’autres initiatives qu’individuelles. » 

Réagissant à ce retour négatif, le Conseil Général de l’Essonne et l’Association des paralysés de France ont appelé à la poursuite des débats et de la réflexion autour de ce sujet encore problématique au sein de nos frontières. Le schéma départemental en faveur des personnes handicapées de l’Essonne, adopté le 25 mars dernier, intègre un volet allant en ce sens. 

Si l’opinion publique doit impérativement poursuivre ses efforts de réflexion sur cette question, il me semble essentiel d’impliquer en priorité les principaux concernés, chez qui les avis sont également partagés. Ainsi, certaines personnes en situation de handicap n’approuvent pas la mise en place d’aidants sexuels, y voyant une sorte d’aumône humiliante. En portant atteinte à leur dignité, cette initiative est alors perçue comme une discrimination supplémentaire. 

Au cœur du débat, ô combien légitime, sur l’utilisation marchande du corps, s’ancre un droit qui reste inaliénable : celui de tout un chacun à disposer de son propre corps. Et dans le cas présent, il s’applique aussi bien aux personnes qui reçoivent qu’à celles qui donnent. 

1- Portant bien son nom, le poumon d’acier est un appareil mécanique utilisé 
pour pallier à une ventilation pulmonaire déficiente, chez des personnes atteintes de paralysie du diaphragme notamment. 
2- La poliomyélite est « une maladie très contagieuse provoquée par un virus qui envahit le système nerveux et peut entraîner une paralysie totale en quelques heures. Une paralysie irréversible (des jambes en général) survient dans un cas sur 200. Entre 5 et 10 % des malades paralysés décèdent lorsque leurs muscles respiratoires cessent de fonctionner ». (Source : OMS).
 
Cécile Cassier
 
 
 


28/03/2013
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