Une bouffée d'oxygène

Une bouffée d'oxygène

Contraception : la pilule a du mal à passer

Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre à la radio un bon matin que la pilule contraceptive (1) répondant au doux nom de Diane 35 allait être arrêtée car soupçonnée d’être à l’origine de plusieurs décès. L'incriminée m'est bien connue puisqu’elle a côtoyé mes placards de salle de bain pendant près de 10 ans. J'ai ainsi suivi l’exemple de ma maman, qui l’a prise pendant 30 ans. Petites veinardes que nous sommes, et ce n’est pas que de l'ironie !

 

 

 

  • Autorisée dans 135 pays et commercialisée dans 116 pays, la Diane® 35 a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) en France en juillet 1987. Outre son action contraceptive, elle est également prescrite en traitement de l’acné chez la femme. En 2012, on recensait environ 315 000 femmes en France sous traitement par Diane® 35 ou ses génériques.

 

 

  • Le 27 janvier dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié un communiqué suite à la révélation médiatique de cas de pharmacovigilance signalés depuis 1987. Parmi ces cas déclarés au cours des 25 dernières années, «  quatre décès sont imputables à une thrombose veineuse (ou phlébite) (2) liée à Diane® 35 ». Pour « trois autres cas mentionnés », « la cause du décès est liée à des pathologies sous-jacentes des patientes concernées ». En revanche, l’ANSM ne précise pas la cause, suspectée ou identifiée, des 125 autres cas de thrombose (113 thromboses veineuses et 12 thromboses artérielles) recensés sur cette période. Sans surprise, ce même 27 janvier, l’ANSM annonçait la conduite d’une analyse bénéfices / risques de Diane® 35, s’engageant à prendre « les mesures appropriées » en fonction des conclusions rendues.

 

 

  • Une pilule jugée trop risquée et…non contraceptive !

 

 

  • Trois jours plus tard, soit le 30 janvier, les conclusions en question étaient publiées sur le site de l’ANSM. Nouvelle surprise, on y apprend tout d’abord que Diane® 35 est « un médicament utilisé dans le traitement de l’acné et non un contraceptif ». Il semble, dès lors, qu'un malentendu se soit produit avec les divers gynécologues qui m'ont suivi, puisque je recherchais bien un moyen de contraception et non un traitement acnéique. A moins que je n'ai confondu la porte du dermatologue et celle du gynécologue. Et dans la mesure où je n’ai aucune raison de mettre en doute leurs compétences, il est probable que cette déclaration des autorités sanitaires soit une tentative peu subtile pour détourner l’affaire Diane® 35 du dossier épineux des 3ème et 4ème générations de pilule (3). S'entêtant dans son idée, l’ANSM estime que l’usage massif de ce médicament en tant que pilule est non conforme, l’AMM de Diane® 35 ayant été autorisée pour la seule indication « Traitement de l’acné chez la femme ». Le contraceptif n’était qu’un petit plus, un petit plus bien relatif puisque de nombreuses femmes seront heureuses d'apprendre que « son efficacité comme contraceptif n’a pas été démontrée par des études cliniques appropriées » !

 

 

  • Concernant le rapport bénéfices / risques de « cette pilule » (pardonnez-moi mais je m’obstine, la force de l’habitude après avoir pris un traitement acnéique comme moyen de contraception pendant 10 ans, folle que je suis !), celui-ci s’avère « défavorable ». Voilà un doux euphémisme pour admettre que le jeu n’en vaut pas la chandelle, face « au risque thromboembolique veineux et artériel auxquels s’exposent les femmes traitées ». De fait, « de nouvelles données » montrent que ces dernières présentent un risque thromboembolique veineux quatre fois plus élevé que les femmes ne prenant pas ce traitement.

 

 

  • 3 mois de sursis pour la Diane® 35

 

 

  • Sur la base de ces informations, l’ANSM a entamé une procédure de suspension des AMM de ce « médicament », suspension qui entrera en vigueur d’ici trois mois. Sage décision bien que tardive, certes, mais que doivent faire les femmes toujours sous Diane® 35 ? Selon l’agence, qui craint une recrudescence des grossesses non désirées, les patientes ne doivent pas interrompre « brutalement » leur traitement et attendre leur prochaine consultation chez leur médecin. J’imagine que, la survenue d’une thrombose étant plus élevée durant la première année de traitement, le fait d’être passé entre les mailles du filet jusque là est… encourageant. N'ayant plus le droit de prescrire cette PILULE, les médecins sont tenus d’envisager avec leurs patientes d'autres « options thérapeutiques ». Pour ma part, je recommanderais de vérifier que l’AMM du moyen contraceptif proposé soit bien délivrée... à des fins contraceptives. Durant ce délai de trois mois, les pharmaciens délivreront les « traitements minimaux ». Passée cette période, toute prescription et délivrance seront interdites, et l’ensemble des lots présents sur le marché retirés.

 

 

  • Pilules de 3ème et 4ème générations : nouveau scandale sanitaire en vue ?

 

 

  • Soucieuse d’apaiser les esprits, l’ANSM a mis en place depuis le 23 janvier, à la demande du ministère de la santé, un numéro vert gratuit (4) pour informer les femmes sur les pilules contraceptives. Cette plateforme téléphonique fait écho à la polémique actuelle, générée autour des pilules contraceptives de 3ème et 4ème générations. Une polémique qui n'est pas sans fondement, le ministère de la santé ayant « mené une campagne d’information auprès des professionnels de santé afin que la pilule de 1ère et 2ème générations soit systématiquement privilégiée ».

 

 

  • Que reproche-t-on aux 3ème et 4ème générations ? Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), les thromboses veineuses (phlébite, embolie pulmonaire) sont plus fréquentes avec les pilules de 3ème et 4ème générations qu’avec celles de 1ère et 2ème générations. Toutefois, les 1ère et 2ème ne sont pas la panacée que l’on imagine, puisque «  un risque de thrombose artérielle (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde) » existe quelle que soit la génération de la pilule utilisée.

 

 

  • Pour la femme, la prise d’un contraceptif oral s'apparente de plus en plus à un parcours du combattant, où prime la solution du moindre mal. La HAS recommande la réalisation d’un bilan biologique avant toute mise en route d’un contraceptif afin d’évaluer le cholestérol total, les triglycérides et la glycémie à jeun. Ce bilan doit être renouvelé tous les 5 ans.

 

1- «  La pilule est un médicament qui agit principalement en mettant les ovaires au repos, par une combinaison d’hormones de synthèse. Il s’agit généralement d’un estrogène et d’un progestatif. On parle alors de contraceptif oral combiné (COC) ou de contraceptif oral œstroprogestatif ». (source : ministère de la santé).

2- La thrombose veineuse, ou phlébite, « désigne la formation d'un caillot dans une veine. Dans la mesure où le caillot peut se détacher et provoquer une embolie pulmonaire (obstruction de l'artère pulmonaire), la thrombose profonde impose une consultation d'urgence ». (source : Inserm).

3- La génération d’une pilule renvoie non à son degré d’innovation mais au type de progestatif qu’elle renferme.

4- Du lundi au samedi, de 9h à 20h, une équipe de téléopérateurs, encadrée par un médecin et des sages-femmes, répondent aux questions au numéro suivant : 08 00 63 66 36.

 

Cécile Cassier



01/02/2013
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi