Une bouffée d'oxygène

Une bouffée d'oxygène

La pollution au mercure affecte la santé de 10 à 15 millions de personnes dans le monde

Rejeté par l'industrie ou d'autres activités humaines, le mercure est capable de persister dans l'environnement pendant plusieurs siècles. Or, il ne fait pas bon de côtoyer ce métal qui peut être à l’origine de troubles neurologiques, respiratoires, comportementaux, émotionnels etc. Des données peu rassurantes à la lumière de la dernière étude (1) du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), publiée début janvier. Selon cette évaluation, « la plus exhaustive jamais réalisée » sur la question, les populations des pays en voie de développement font face à des risques sanitaires et environnementaux liés à l'exposition au mercure de plus en plus importants.  

  • Paradoxalement, bien que la demande de mercure mondiale ait chuté au cours des dernières années, on craint aujourd'hui une augmentation des émissions de mercure dans certaines régions d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud. Ces sombres prévisions s'appuient sur le recours massif à ce métal dans le cadre d'activités d'orpaillage (2) et de combustion de charbon à des fins de production d'électricité. Les émissions de mercure dues à l'extraction minière artisanale ont ainsi doublé depuis 2005. Chaque année, on évalue à 727 tonnes les émissions générées par l'orpaillage, représentant 35 % des émissions mondiales. Et la hausse du cours de l'or n’augure rien de bon. La combustion du charbon génère, quant à elle, près de 475 tonnes d'émissions de mercure par an, soit environ 24 % des émissions mondiales. Soumise à une industrialisation rapide, l'Asie est ainsi devenue le principal émetteur de mercure, responsable de près de la moitié des rejets mondiaux. 
  • A l'heure actuelle, on estime que l'exposition au mercure met en danger la santé de 10 à 15 millions de personnes pratiquant l'orpaillage à travers le monde, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Trois millions d'entre elles sont des femmes et des enfants. L’un des points forts de l'étude du PNUE a été de s’intéresser à la pollution de l'environnement, levant la question d'une exposition chronique et prolongée. Elle a ainsi mis en lumière, pour la première fois, la pollution au mercure des rivières et des lacs. Elle évalue à 260 tonnes la quantité de mercure déversé dans ces points d'eau, auparavant conservé dans les sols. Les océans ne font pas exception. Au cours des 100 dernières années, la concentration de mercure observée dans les 100 premiers mètres des océans du monde a doublé, à cause des émissions dues aux activités humaines. Lorsque l'on plonge plus en profondeur, on constate une augmentation de 25 % de la quantité de mercure présent.   
  • Preuve qu'aucun milieu, qu'aucune région du monde n'est épargné, environ 200 tonnes de mercure se déposent chaque année dans l'Arctique, se dispersant loin de leur lieu de rejet. Des études ont révélé chez certaines espèces de la faune arctique des niveaux de mercure multipliés par 10 au cours des 150 dernières années. L'activité humaine en est la principale cause. 
  • Certes principales, l'orpaillage et la combustion de charbon ne sont pas les seules sources de rejet de mercure. Sont également à prendre en compte : la production de métal et de ciment (extraction et consommation de combustibles fossiles), les soins dentaires déjà évoqués sur ce blog, certains produits de grande consommation (appareils électroniques, interrupteurs, piles, ampoules basse consommation), certains cosmétiques (mascara, crèmes éclaircissantes pour la peau etc.), la production de matières plastiques (fabrication du polychlorure de vinyle ou PVC), les industries utilisant le procédé chlore- alcali (production de chlore et de soude à partir de sel), etc.
  • Des alternatives à l'utilisation du mercure sont disponibles dès à présent. Mais elle pâtissent d’arguments économiques peu avantageux. En outre, la prise de conscience des dangers relatifs à l'utilisation du mercure peine encore à convaincre dans certains pays en développement. La publication de l’étude dont il est question ici a précédé de quelques jours la réunion du Comité de négociation intergouvernemental sur le mercure (INC5). Tenue à Genève du 13 au 18 janvier derniers, celle-ci avait pour ordre du jour la mise en point d'un traité mondial juridiquement contraignant sur le mercure. Cette collaboration internationale entend œuvrer à l’amélioration de ce secteur peu réglementé et, par là-même, au renforcement des droits des travailleurs. L’effort est louable et nécessaire mais, si l’on tient compte de la capacité de persistance du mercure dans l'environnement, il faudra probablement des années, pour ne pas dire des décennies, pour que la réduction des émissions de mercure ait un effet notable sur les niveaux de mercure présents dans l'environnement, et donc dans la chaîne alimentaire. 
1- Cette étude s’intitule « Mercury : Time to Act » (Mercure : Il est temps d'agir). 
2- Pour extraire le métal précieux, les orpailleurs, notamment clandestins, recourent au mercure. Il faut pas moins de 1,3 kg de mercure pour extraire un kilo d’or.
 
 
Cécile Cassier 


20/01/2013
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