Une bouffée d'oxygène

Une bouffée d'oxygène

Le visage moderne de l'esclavagisme

Qu’elle soit à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé, la traite des êtres humains est une réalité face à laquelle beaucoup détournent les yeux. Mythe souvent cantonné à la sphère orientale dans l’imaginaire collectif, le trafic d’êtres humains reste bien présent en Union européenne.

 

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Selon la Commission européenne, des centaines de milliers d’adultes et d’enfants sont ou ont été réduits en esclavage en Union européenne, contraints à travailler, à se prostituer, voire délestés d’organes vitaux à destination d’un marché noir lucratif. La traque de ce marché humain est compliquée à mettre en place malgré un engagement international affirmé. En 2000, les Nations unies ont ainsi adopté un protocole visant à prévenir et réprimer la traite d’êtres humains. Complétant la « convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée », ce protocole a été ratifié par vingt-quatre Etats membres de l’UE en mars 2009. A l’échelle européenne, est née la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, ratifiée par seize Etats membres et signée par dix autres.

 

La France : un important pays de transit

En France, cette convention est entrée en vigueur le 1er mai 2008. Le GRETA (Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains) est chargé de veiller à la bonne mise en œuvre de la Convention au sein des pays membres. Principalement pays de destination, la France est également devenue un important pays de transit du fait de son positionnement géographique stratégique. En se basant sur les statistiques officielles fournies par les autorités françaises, le GRETA a estimé à 822 le nombre de victimes de traite d’êtres humains en 2008 en France, dont 788 femmes, 11 hommes et 23 enfants. En 2009, le nombre de victimes est passé à 799, puis à 726 en 2010 et à 654 en 2011. Ces chiffres n’incluent que les victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle et de proxénétisme. On recensait 189 victimes de nationalité française en 2010, et 149 en 2011. Pour le GRETA, il est pour l’heure impossible d’évaluer l’ampleur de « traite à des fins de travail forcé, d’esclavage et de servitude, au sens du droit international », « ces formes d’exploitation n’étant pas couvertes expressément par le droit pénal français ». 

 

Identification des victimes et répression des commanditaires : des efforts restent à fournir

En conciliant les données fournies par les autorités et des ONG, le GRETA estime que la majorité des victimes de la traite en France sont impliquées dans des réseaux de prostitution, essentiellement en provenance d’Europe de l’Est, d’Afrique subsaharienne (plus particulièrement du Nigéria), du Brésil, du Maghreb et de la Chine. Concernant les autres types de traites, et notamment celles à des fins d’exploitation par le travail domestique, les victimes sont essentiellement originaires d’Afrique subsaharienne et des Philippines. Les travailleurs saisonniers sont plus particulièrement exposés aux risques de travail forcé, mais les statistiques sont trop lacunaires pour pouvoir évaluer l’ampleur de ce phénomène. Les milieux de la construction et de la restauration sont également présentés comme des secteurs à risques, notamment en région parisienne, ainsi que les « foyers diplomatiques ».

Les ONG spécialisées et les autorités françaises ont toutefois noté une recrudescence d’enfants victimes de la traite, contraints entre autres à la mendicité et aux vols forcés. Ces enfants viennent principalement d’Europe du Sud-Est, et sont souvent d’origine rom. De fait, en 2010, a été démantelé un important réseau de traite d’enfants roms, issus de Bosnie-Herzégovine et utilisés pour du vol à la tire en région parisienne.

 

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Des leviers législatifs et juridiques difficiles à actionner

Ainsi que le stipule la Commission européenne :

« Le droit d'être protégé contre l'esclavage, le travail forcé et la servitude a été reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme. Le droit de la victime à une enquête précise, impartiale, effective et rapide est également concerné et serait réellement appliqué si le rôle de la victime était davantage reconnu dans le cadre de la procédure pénale ».

 

Le problème de la traite est vaste et implique bien des aspects, liés tant à la nature des actes subis qu’aux mouvements hors frontières de ces trafics : enlèvements, expatriations, conditions de vie proches de l’inhumanité, abus sexuels et de toute nature etc. En Union européenne, la directive 2004/81/CE prévoit l’assistance et la délivrance d'un titre de séjour aux ressortissants de pays tiers, victimes de la traite des êtres humains. En outre, comme le rappelle la Commission européenne, « La traite d’êtres humains figure sur la liste des infractions donnant lieu à remise sur la base d'un mandat d'arrêt européen (…) ».

 

En France, un projet de plan d’action a été élaboré entre 2008 et 2010, visant à couvrir la période 2011-2013. Il s’était fixé sept priorités : coordination de la lutte contre la traite des êtres humains, prévention de l’infraction de traite des êtres humains, identification des victimes, protection des victimes, répression des auteurs, coopération internationale, contrôle et évaluation des actions engagées.

 



18/02/2014
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